Tribune sur la réforme des institutions

Tribune sur la réforme des institutions

Retrouvez ici la tribune parue dans la République des Pyrénées :

J’ai bien conscience qu’il y a une certaine impudeur à parler de la réforme institutionnelle annoncée par Edouard PHILIPPE alors que les grèves se multiplient, que les niveaux du chômage et de la pauvreté restent haut et que notre économie demeure convalescente. Pour autant, c’est de notre responsabilité que d’évoquer la question de l’équilibre des pouvoirs, la représentation des citoyens et des territoires, la juste représentation des différentes sensibilités politiques notamment. Je souhaite dans cet article casser des images qu’Emmanuel MACRON véhicule depuis plus d’une année.

Des députés hors sol. Diminuer le nombre de députés reviendra pratiquement à supprimer une circonscription sur deux et ainsi agrandir démesurément les circonscriptions. Ce sont les territoires ruraux qui seront prioritairement oubliés. Avec aujourd’hui une moyenne de 125 000 habitants par circonscription, le prochain découpage aboutira au chiffre de 230 000 habitants par député. La conséquence est claire : favoriser l’éloignement des élus du quotidien des Français et les découpler davantage encore des acteurs de terrain. Nous sommes dans la droite ligne du scrutin de juin 2017 où une majorité de députés d’En Marche sont des députés parisiens, parachutés en province, sans assise locale, n’ayant toujours pas, pour beaucoup d’entre eux, de rôle sur le terrain et de permanence parlementaire. Ils prétendent être élus de la Nation mais sont surtout éloignés des réalités quotidiennes de nos concitoyens. Dans un pays aussi jacobin que la France, nous avons besoin de députés ancrés et impliqués sur leur territoire pour que les dossiers avancent. Ainsi, comment aurait-on obtenu la dérogation à la loi Hulot sur la fin de l’exploitation des hydrocarbures pour le bassin de Lacq et le Vic-Bilh sans des députés présents et mobilisés ?

Le régime des partis. Le mode de scrutin mixte, proportionnel et majoritaire, proposé par le Premier Ministre, ne fonctionne pas. L’exemple italien le prouve. Au-delà, il instaure une double légitimité. Très vite, un conflit apparaîtra entre ceux élus au scrutin majoritaire et ceux élus à la proportionnelle. Ce conflit, immanquablement, conduira à la suppression du scrutin majoritaire parce qu’Emmanuel MACRON ou ses successeurs privilégieront toujours des députés qui leur doivent tout, à des élus qui devront leur élection à leurs propres compétences.

Charcutage à tous les étages. Le redécoupage de la carte électorale se fera au profit du parti présidentiel, le même qui promettait il y a moins d’un an de « moraliser » les pratiques démocratiques. J’ai proposé, à l’Assemblée nationale, qu’une commission indépendante – composée d’experts, (géographes, démographes…) – puisse mener à bien ce découpage comme cela se fait en Angleterre. La majorité a refusé. Le « charcutage électoral est en marche ». On verra quel sera le résultat dans notre département mais il est à parier que François BAYROU cherchera à obtenir sur tapis vert ce que les électeurs lui ont refusé dans les urnes. Il est vraisemblable que la 3ème et la 4ème circonscription, représentées par deux députés qui ne sont pas de la majorité – Jean Lassalle et moi-même – seront les plus « triturées » alors que ces deux territoires représentent les ¾ des communes du département et quelles sont les plus peuplées des Pyrénées-Atlantiques.

Pour être populaire, faites du populisme. Le gouvernement entend limiter dans le temps le mandat exercé par un parlementaire ou un élu local d’une collectivité de plus de 9000 habitants. C’est sympathique, cela va faire frissonner les bobos parisiens…mais cela reste un gadget. Cette disposition ne peut être rétroactive, elle s’appliquera au mieux en 2037 pour les députés et en 2038 pour les maires et sénateurs. Dans le même temps, cette réforme constitutionnelle, bâclée, ne dit rien sur les territoires, à l’exception de la Corse. Elle est muette sur la décentralisation et sur la réforme de l’Etat.  Enfin, elle ne répond pas à une demande de nos concitoyens d’une plus grande participation dans la gestion du pays.

 

Lors des dernières Législatives, j’avais souhaité le succès du quinquennat. Bien qu’étant dans l’opposition, j’ai voté la confiance. Mais très vite, de l’augmentation de la CSG à la suppression de l’ISF, des politiques éducatives sans ambition à cette réforme institutionnelle, la majorité montre qu’elle a trahi cette vision réformiste. Je voterai contre cette réforme et même si elle ne fait pas la préoccupation des habitants de la 3ème circonscription, j’entends ouvrir le débat avec eux sur ces enjeux.